Pilier Sud de Barre Noire
01 Août 2021


Lieu : Ecrins

Participants: Philippe LT, Didier R

Description :


Pilier sud de Barre Noire 1er août 2021.
Montée du Pré de Madame Carle au milieu de la nuit. La rimaye serait passée sans corde si mes crampons ne s’étaient pas fait la malle dans le passage raide, j’ai toujours eu du mal avec ces engins. Attaque avec le jour.
Le socle du pilier est rapidement
franchi en corde tendue, malgré un gneiss pléonastiquement fragile et peu de possibilités de se protéger. Le moral est bon, mais deux choses nous inquiètent: Le soleil promis n’est pas là et les bandes de neige fraîche se multiplient alors qu’on s’est à peine élevés à 3300. Va-t-on vivre une galère ?
Le dièdre gris-jaune indiqué par Rebuffat est plein ouest et encaissé. Il donne une première réponse à la question: ça caille vraiment, on n’est pas équipés pour une hivernale. La neige et la glace recouvrent les piles d’assiettes sur quoi je fais relais. Philippe passe devant et négocie le 5c+. 20 minutes au relais sans bouger ont raison de mes doigts gelés au point de rien pouvoir empoigner. Pour progresser, je m’appuie sur les paumes et m’accroche avec les avant-bras.
La longueur suivante me donne l’occasion de revenir sur le fil du pilier, plein sud, et de retrouver des sensations au bout des doigts. On retrouve du rocher sec, le temps de tirer deux vraies longueurs et une longue traversée.
Lorsque j’atteins l’étage supérieur, la neige et le grésil tombés l’avant-veille sont omniprésents, même en exposition sud. Impossible de s’aventurer en dehors d’un mince chemin praticable à la recherche d’un éventuel piton. La confection de relais potables prend de plus en plus de temps. En attendant, Philippe claque des dents. Il a pris l’habitude de grimper avec son piolet qu’il utilise comme un balai pour nettoyer les prises avec de grands gestes rageurs. Il met presqu’une heure pour négocier la « grande longueur facile » et son râteau de chèvre.
La journée est bien avancée lorsque nous sommes enfin au pied de la tour rouge. En théorie c’est le crux. Mais son profil vertical ne donne guère à la neige l’occasion de s’accrocher et, par effet de contraste, l’exposition des pas de 5/6 non protégeables est presque un réconfort comparé au 4+ en chaussons dans la neige. Si le dernier épisode neigeux avait tourné au secteur sud et qu’un vent sérieux eut plâtré le pilier à cette altitude, inutile de dire que notre ascension s’arrêtait là.
A présent le rocher ruisselle. On approche du sommet. Il reste encore deux longueurs dans un dièdre encombré et deux longueurs retorses à la lumière inattendue des derniers rayons du soleil qui nous ont tant fait défaut, comme une ironie sommitale au moment d’en finir, ou comme une récompense, avant de plonger dans le frigo des rappels en face nord, à la frontale.
Retour dans la nuit par le glacier Blanc que je ne reconnais plus. La dernière fois que j’ai marché dessus c’était au siècle dernier, il s’en fallait de peu qu’on l’aperçoive encore d’en bas. Aujourd’hui, plaie béante des Écrins, il a bien perdu dans les 300m de dénivelée.
Nous rejoignons le Pré au jour naissant. On devait boucler en 12-13 heures, finalement on aura mis le double. Les conditions étaient difficiles.
DR





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