LA MEMOIRE
31 Décembre 2017


Organisé par : Pierre, Philippe

Activité : Escalade

Lieu : le Devenson

Participants: Pierre, Philippe

Description :


Si on est venus une petite semaine dans les Calanques, c'est avant tout pour avoir une chance de gravir cette voie. A elle toute seule, elle comblerait je pense n'importe quel grimpeur, même gâté. Dans notre session hivernale, c'est dimanche le seul jour où on peut la placer, à cause du vent. Si vous ne voulez pas tout lire, je pourrais vous la résumer en quelques mots. Je répéterais Pascal Sombardier à propos de je ne sais quelle voie des Dolomites : « è la più. »
Vous me demanderiez sans doute : « La più qué ? »
Et je vous répondrais : « La più tutti ! »

Dans le massif des Calanques, il est une falaise plus éloignée que les autres, qui nécessite quasiment 2h de marche pour y accéder (et pour en revenir). C'est aussi la plus haute, et certainement la plus raide, mis à part le cas particulier de la Concave. C'est aussi ici, au Devenson, qu'on trouve la ligne de rappels la plus horrifrayante. On commence par les 5 rappels d’État d'Urgence (photos 1 à 5), dont seul le dernier n'est pas en fil à plomb, plein gaz sur toute la longueur. 2 de ces rappels font 50m pile, dont au moins 45m sans toucher le rocher. Ensuite, on descend la ravine-dégueuloir, on longe les cordes fixes, on escalade un ressaut en solo, et on retrouve la deuxième ligne de rappels, qu'il faut aussi emprunter. Le dernier de ces rappels ne fait que 10m (photo 6), mais il laisse des souvenirs : si vous ne voulez pas vous retrouver suspendu plein gaz au raz de la mer et à 5m de la paroi, vous demandant comment par un lancer de corde mouillée on peut accrocher cette mèche de perceuse rouillée, il faut comme Pierre suivre les conseils de nos amis belges. En quittant le relai, au bord du surplomb, se jeter en arrière franco. Si votre second, resté au relai, augmente votre pendule en forçant sur la corde, vous avez des chances d'attraper la tige inox salvatrice en quelques balancers. Une fois arrivés les deux en bord de mer, il faut rappeler la corde qui de toute façon est déjà trempée. Par la suite, évitez de la prendre entre les dents quand vous mousquetonez, elle vous laisserait un goût salé ! L'accès au relai de départ rajoute 2 grosses heures à la marche d'approche. On est fin décembre, pas le temps pour la baignade pensons-nous. De toutes façons, on va quand même y avoir droit, par la force des éléments.

Là, les choses sérieuses commencent. C'est pour nous le seul jour sans mistral, mais la houle est quand même bien présente. Et dès la première longueur, en traversée au ras de l'eau sous un gros toit, on se prend des paquets de mer inévitables. Je me fais gôôger jusqu'aux genoux. Pierre jusqu'en haut de la cuisse. En plus, la mer est très humide ce jour-là. Malgré toutes les précautions que j'ai pu prendre, le tirage dans cette L1 est énorme, faute à la corde mouillée (photos 7,8,9). Pierre file comme une flèche dans L2. Je ne le vois pas, et je m'étonne d'entendre déjà « Relai ! ». Vu le peu de temps qu'il a mis, ça doit être facile. Erreur ! C'est parce que c'est tout sur les bras qu'il a galopé. Incapable d'en faire autant, je crispe tout du long sur chaque prise, voire sur chaque dégaine (pour celles que Pierre a clippé). Dans cette traversée où la chute (dans la mer) est interdite, les démousquetonnages me demandent tout mon jus. C'est avec les bouteilles que j'arrive à R2 (photo 10). Pas grave, il ne reste plus que 10 longueurs !

Si je résume, L1 : t'es trempé, L2 : t'es rincé. Au point où j'en suis, j'espère juste ne pas être lessivé à L3, ni essoré à L4, ou vidangé à L5. Surtout qu'à L3, les broches ont vraiment une sale gueule (photo 11). Elles sont tellement rongées par la rouille, on verrait presque jour à travers la ferraille. Pas grave, la longueur, une large cheminée sombre, est de toute beauté (photo 12). Toutes les longueurs sont belles dans cette voie (sauf peut-être l'avant-dernière, un dièdre bien raide avec un pas de bloc sur bidoigt) mais surtout elles ont toutes du caractère. De la cheminée large (L3, photo 13) ou étroite (L5, le « filtre à gros »). De la dalle fine à placement (L7, L9 photo 16). Du gros dévers (L5). Du très gros dévers abomifreux (L8, photo 15). On trouve ici tous les plus beaux styles d'escalade présents dans les calanques. La dernière longueur, une dalle d'aragonite (photo 18) haute de 50m sur un pilier magnifique, est exceptionnelle. En tout cas, il vaut mieux être bien frais pour profiter pleinement d'une telle voie, ce qui n'était pas vraiment mon cas. Heureusement, j'ai un joker. Il s'appelle Pierre, il est capable de parer à mes défaillances. Dans cette voie, il a je crois tout enchaîné, alors que je me spécialise dans l'azérotage. Autrement dit, j'enchaîne, mais seulement entre les points !

Donc on sort avec la banane, de jour, réservant la nuit pour le long retour à la Fontasse. Et la soirée n'est pas finie, c'est le dernier jour de l'année. Autant vous dire qu'on a débouché ce qu'il faut pour fêter ça dignement.

Pour la mémoire de nos enfants, 12 longueurs, 220m, TD+, 6c ou 6bA0




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