Petit Combin (3668 m) en départ assis
08 Août 2019


Organisé par : Florian T.

Activité : Alpinisme

Lieu : Valais Suisse

Description :


Petit Combin (3668 m) en départ assis

Pourquoi pas ? Pourquoi ne pas essayer d’aller grimper dans les Alpes en partant de chez moi ?
Claude avait déjà parlé d’une « autre approche ». Tout cela me trottait dans la tête de toute façon.
Grâce à Anna, j’ai compris que la partie en vélo était jouable.
Cela fait un moment déjà que j’avais planifié la partie montagne.

Le moment est enfin venu où toutes les pièces vont pouvoir s’enclencher : Je suis acclimaté, à peu près en forme, personne ne peut grimper avec moi, j’ai un peu de temps, et même la météo semble vouloir y mettre du sien.
Cela n’en reste pas moins un peu effrayant. Mais si je n’essaie pas maintenant que tout est réuni alors quand ? Si je veux savoir ce que je peux faire, il faut que j’essaie.

Alors j’y vais. Départ à 7h du matin de la maison. Il y a quand même le Jura à traverser. Enivrant sentiment de liberté et de légèreté que de partir comme ça juste avec un vélo et ce qu’il peut transporter.

En vélo c’est frappant comment le territoire évolue au fil du parcours. Des petits changements, des morceaux qu’on connaît bien mais qu’on sait maintenant relier, les gens, l’architecture, les odeurs, les paysages, les plantes qui changent. Tout cela connecté. Tout cela différent.

Après 16h de route via Cléron, Mouthe, le lac de Joux, le Mollendruz, Lausanne, en longeant le lac Léman et le Rhône, j’arrive à Sembrancher au pied du col du Grand Saint-Bernard. J’ai fait 225 km. Je prends une petite route d’alpage qui s’élève au-dessus du hameau de Chamoille alors que le soleil se couche. Elle s’élève et moi je me hisse péniblement. Je jette mes dernières forces dans la bataille et m’arrête quand je vois un coin à bivouac correct aux environs de 1200 m d’altitude. Je prépare ma nuit et mon sac pour demain. Il est presque minuit quand je m’endors. Le réveil est mis pour 2 h du mat.

La nuit fût évidemment trop courte mais c’est comme ça. Je fais un semblant de petit déjeuner en essayant de me réveiller. Les étoiles brillent. Mon plan consiste à atteindre le Mont Rogneux par les sentiers puis à suivre la longue ligne de crête que j’ai repérée sur les cartes jusqu’au sommet du Petit Combin. Cela me permettra d’aller aussi haut que possible sans m’aventurer tout seul sur un glacier. Je ne souhaite pas prendre ces risques supplémentaires. Une crevasse ne pardonne pas aux solitaires.

Pour maximiser ma marge de sécurité j’ai pris tout mon matos de bivouac ainsi que le réchaud et pas mal de nourriture. Avec les habits, les crampons et le piolet ça fait un sac bien lourd.
Malgré tout les jambes répondent bien et il est 7h30 quand j’atteins le sommet du Mont Rogneux (3084 m) après 15 km et déjà plus de 2000 m de dénivelée positive.

Je m’engage sur cette longue arête qui alterne passages faciles, crapahut, un peu d’escalade facile, pour m’amener, via l’arête des Avagères, au sommet du Petit Combin. Les derniers 200 m sont en neige. J’ai porté les crampons et le piolet juste pour ça. Mais sans eux, pas de sommet. Il est 13h15. La vue sur le Grand Combin est majestueuse. A l’ouest le massif du Mont Blanc domine. A l’est c’est tout le Valais qui s’offre à ma vue, avec notamment les lieux de mes dernières virées avec Pierre. J’envoie une photo à Anna et prends le temps de profiter de ce moment. Je n’ai vu personne jusqu’à présent. Seulement des bouquetins, des marmottes et des lagopèdes.

Je sais que la descente va me prendre autant de temps que la montée sur cette arête compliquée. De retour au col de Lâne j’opte pour partir vers l’est rejoindre un sentier afin d’éviter de refaire toute la partie technique au retour. Mais cela implique quand même de bonnes remontées, notamment jusqu’au sommet du Rogneux. Enfin, après cela, c’est presque uniquement de la descente. Les lacs sont chouettes. Un peu de vent vient modérer le soleil de l’après-midi. Où sont-ils tous ? Est-ce que j’ai raté l’apocalypse cette nuit ?

Je me sens fatigué mais exalté. Il me tarde de retrouver mon matelas et mon sac de couchage. C’est frappant de voir combien la vision que l’on a du confort peut être relative. J’atteins mon bivouac à 21h30. 46 km au compteur. 4100 m de dénivelée. J’ai mon compte. Une soupe minestrone et je suis mûr pour aller au lit. Longue journée.
Je mets l’alarme pour 5h00. Presque une grasse mat !

Au réveil je sens tout de suite que le temps est en train de virer. Le mauvais ne devait pas arriver avant midi mais il a de l’avance. Je me dépêche de tout empaqueter et de mettre mes protections et j’ai à peine fini quand la pluie commence.
S’en suivent 4 heures de vélo sous la pluie. Bien équipé et quand on sait qu’on pourra tout faire sécher après ce n’est pas si terrible. A Lausanne, la pluie cesse et je peux enlever quelques couches. J’ai le vent dans le nez évidemment mais la journée devient belle quand même. J’en bave dans la montée du col du Mollendruz. Je me sens lourd, trop chargé. Une petite sieste de 15 minutes sur un banc me remet d’aplomb. Je paye les efforts consentis jusque-là. Je me sens vraiment minable quand je pense à Anna qui est sur son vélo quasiment jour et nuit en continu depuis bientôt 2 semaines. Quel courage ! Je me demande où elle trouve les ressources mentales pour endurer ça ?

A Mouthe je m’arrête pour quelques pâtisseries et un jus de fruit. Sur la terrasse quelqu’un me demande d’où j’arrive. Je suis un peu gêné d’expliquer. Mes idées ne me paraissent saugrenues que quand je les confronte au regard des autres. Est-ce que ça a de l’importance pour moi que cette personne comprenne ce qui me pousse à faire ça ? Est-ce que je suis à la recherche d’une forme de reconnaissance quand je me lance dans ces projets ? Je ne crois pas. Je crois que j’essaie juste d’aller au bout de mes idées, peu importe si elles peuvent paraître absurdes. Je crois que c’est comme ça que je me sens libre d’une certaine manière. Je crois que c’est comme ça que je me sens vivant.

Arrivé à Besançon je suis affamé. Je descends en ville au Big Ban. Je me sens complètement étranger alors que c’est mon environnement familier. Comme si je revenais de la lune. L’épuisement fait que tout me paraît différent de ce dont j’ai l’habitude. Je me sens très détaché de moi-même, là, dans mes habits sales, éreinté et hébété. J’allais juste prendre des frites quand je me rends compte qu’ils ont ajouté des burgers vegan au menu ! Bingo ! Je roule gentiment jusqu’au bord de la rivière pour me trouver un banc et j’engloutis tout en même temps que j’annonce à mes proches que je suis bien rentré.

Donc en conclusion c’est possible d’aller faire de l’alpinisme dans les Alpes en partant de chez moi. Peut-être que je recommanderais quand même, afin que cela soit plus appréciable, de le faire en au moins deux fois plus de temps que ce que j’ai fait. Sauf bien sûr si, comme certains d’entre vous l’ont déjà prouvé, vous aimez ce genre de truc.

En partant à deux, on pourrait optimiser un peu plus les charges et emmener un peu plus de matos, ce qui permettrait de monter plus haut. Dès lors tout deviendrait possible. Certes cela prendra toujours plus de temps et ça ne tient pas dans un weekend (ou alors peut-être pour Thomas mais pas pour moi). Mais avec 4 ou 5 jours devant soi cela devient carrément envisageable.

Et sinon pour cette escapade au Petit Combin je lance le défi ! J’ai tout repéré, ça passe sans problème ! Et franchement c’est vraiment une chouette aventure, que cela soit en vélo ou en montagne ! Alors, qui fera la première répétition ? Thomas, Thomas et Pauline (bonus si c’est fait en tandem), Yann…

Jour 1 : Besançon à Sembrancher en vélo avec 18,5 kilos de matériel (sans l’eau).
225 km – 2700 m de dénivelée. 15h40. Bivouac dans la forêt

Jour 2 : Longue rando puis course d’arête jusqu’au sommet du Petit Combin (3668 m). Difficultés jusqu’à une cotation PD+.
46 km – 4100 m de dénivelée. 18h30. Bivouac dans la forêt

Jour 3 : Sembrancher à Besançon en vélo.
225 km – 1700 m de dénivelée. 15h40 (le même temps bien que le retour soit plus facile, mais en faisant plus de pauses et en étant plus fatigué…). Nuit dans un bon lit !

Temps total écoulé : 63 heures





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